Réparation intégrale et rôle de la victime

Cass. 3ème civ., 30 avril 2025, n° 23-17626

De l’incidence de l’inaction de la victime dans l’existence de son préjudice

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La question de la réparation du dommage est souvent faite d’excès de perception. Ainsi, il est souvent brandi le principe de réparation intégrale en oubliant que ce principe complet est celui de réparation intégrale sans perte ni profit.

De même, il est souvent affirmé que la victime ne saurait se voir reprocher son inaction ayant conduit à l’alourdissement de son dommage. On parle ici du principe de minimisation du dommage. Reste que ce second principe doit être nécessairement de géométrie différente selon que l’on se place en matière de dommage contractuel ou de dommage extracontractuel.

C’est dans ce cadre d’appréciation plus nuancée que s’inscrit le présent arrêt. Un arrêt d’appel est censuré pour avoir octroyé une indemnisation pour le dommage immatériel afférent aux frais de relogement et frais de garde meubles.

La Cour de cassation censure l’arrêt au visa du « principe de la réparation intégrale du préjudice » violé par l’arrêt ayant octroyé une indemnisation « après avoir relevé que le syndicat des propriétaires et les copropriétaires avaient été autorisés le 6 juin 2017 à faire effectuer les travaux de reprise de l’ouvrage et ne précisaient pas la date à laquelle ceux-ci avaient été effectivement réalisés ».

La cassation intervient au motif que la cour d’appel « a indemnisé le trouble de jouissance des propriétaires sans en connaître la durée exacte ».

Le juge ne peut en effet indemniser par forfait.

Le juge de renvoi pourrait être embarrassé par une nouvelle question qui découlera de la première.

En effet, le juge de renvoi pourrait se cantonner à caractériser la date de réalisation des travaux, ce qui permettrait de déterminer la durée du dommage.

Cependant, se posera alors une nouvelle question : qu’adviendra-t-il si la victime n’a pas été diligente ? n’a pas mis en œuvre les travaux pourtant autorisés ?

Cette question peut être appréciée à l’aune d’un arrêt du 7 novembre 2024 (Cass. 3ème civ., 7 novembre 2024, n°22-14088). Dans cette affaire, la cour d’appel avait arrêté le préjudice à compter d’une certaine date. Le pourvoi reprochait à l’arrêt la violation de l’article 1231-1 du Code civil et du principe de réparation intégrale.

La Cour de cassation a rejeté cet arrêt au motif qu’ « Ayant constaté qu’en exécution du jugement, M. et Mme [J] avaient reçu, le 18 juin 2020, une somme qui n’avait pas été contestée devant elle par l’entrepreneur et son assureur, qu’elle avait confirmée et qui leur permettait d’exécuter les travaux, la cour d’appel, qui a fait ressortir l’absence de lien de causalité entre les manquements de l’entrepreneur et le préjudice de jouissance des maîtres de l’ouvrage postérieur au 1er janvier 2021, en a exactement déduit que la demande devait être rejetée ».

On comprend que l’absence d’action de la victime a conduit à briser le lien entre le fait générateur et le dommage.

Aussi, il convient de distinguer deux types d’arguments distincts :

  • ceux ayant trait à l’existence d’un manquement de la victime à la bonne diligence visant à limiter son préjudice
  • et ceux relatif à la disparition du lien entre le fait générateur et le dommage prétendu.

La vidéo arrive bientôt !