#Constructeur#ouvrage#réception#Charbonneau-Tricoire
1. Notion d’apparence à la réception
Protocole en cours de chantier
Cass. 3ème civ., 5 septembre 2024, n° 23-11077
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Rouen, 24 août 2022), M. et Mme [C] ont conclu avec la société Les Maisons d’aujourd’hui (la société), désormais en liquidation judiciaire, assurée par la société Aviva assurances, devenue la société Abeille IARD et santé (l’assureur), un contrat de construction d’une maison individuelle avec sous-sol.
2. Les travaux ont été réceptionnés le 29 juillet 2009, avec des réserves étrangères au litige.
3. Se plaignant de désordres affectant notamment le sous-sol de leur habitation, M. et Mme [C] ont, après expertise, assigné la société en indemnisation de leur préjudice, sur le fondement de l’article 1792 du code civil, puis ont appelé l’assureur en intervention.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. et Mme [C] font grief à l’arrêt de rejeter leur demande indemnitaire au titre des travaux de reprise des désordres, et de prononcer la mise hors de cause de l’assureur, alors :
« 1°/ que le maître de l’ouvrage peut demander à l’entrepreneur, sur le fondement de la garantie décennale, la réparation des défauts dont il a pris connaissance, avant la réception mais qui ne se sont révélés qu’ensuite dans leur ampleur et leurs conséquences ; qu’en énonçant, pour dire que la garantie décennale ne pouvait pas être invoquée par les maîtres de l’ouvrage, que le désordre à l’origine d’inondations avait été porté à leur connaissance dès la conclusion du protocole d’accord signé avec la société Les Maisons d’aujourd’hui le 1er juillet 2009, soit avant la réception des travaux datant du 29 juillet 2009, quand il résultait de ses constatations que ce phénomène d’infiltrations signalé avant la réception ne s’était révélé qu’ensuite dans son ampleur et ses conséquences par la révélation d’inondations dans la cave, et, partant, ne s’était pas révélé avant la date de réception dans toutes ses conséquences, la cour d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1792 et 1792-2 du code civil ;
2°/ que seul un désordre connu du maître de l’ouvrage dans toute son ampleur et, partant, dans ses conséquences, avant la réception est couvert par une réception sans réserve ; qu’en considérant, pour dire que la mise en jeu de la garantie décennale était exclue et prononcer la mise hors de cause de la société Aviva assurance en l’absence de garantie mobilisable, que le désordre à l’origine des inondations et dont ils avaient connaissance dès la conclusion du protocole d’accord avec la société Les Maisons d’aujourd’hui le 1er juillet 2009 n’avait pas été réservé lors de la réception le 29 juillet 2009, quand le protocole n’abordait qu’implicitement la question d’infiltrations sans jamais viser des inondations, ce dont il résultait que les maîtres de l’ouvrage, qui n’avaient pu avoir connaissance du désordre dans toute son ampleur et ses conséquences avant la réception de l’ouvrage, et ne pouvaient avoir purgé, par une telle réception, l’ouvrage de ses défauts et exclure, par conséquent, la mise en jeu de la responsabilité décennale, la cour d’appel a violé les articles 1792 et 1792-2 du code civil ;
3°/ que le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause qui lui sont soumis ; qu’en considérant que les maîtres de l’ouvrage avaient connaissance des désordres dont ils se plaignaient consistant en des inondations dès la réunion du 15 juin 2009, qui avait donné lieu à la signature d’un protocole d’accord daté du 1er juillet 2009 qui prévoyait « 1°) la pose de quatre ventilations dans le sous-sol actuellement réalisé qui va se transformer en cave lors du prochain dépôt de permis de construire modificatif, 2°) l’exécution d’un garage sur terre-plein, 3°) la déviation des eaux pluviales du puisard vers des tranchées drainantes à réaliser sur la partie arrière du terrain, 4°) la vérification de l’imperméabilisation des parois enterrées du sous-sol et la réalisation si nécessaire du terrassement du sous-sol en périphérie, 5°) l’exécution du dallage en béton armé dans le sous-sol actuel, 6°) la livraison du pavillon pour fin juillet 2009 et la réalisation du garage accolé dans un délai de deux mois à compter de l’accord du permis de construire modificatif, 7°) la remise en conformité électrique avant la livraison prévue pour fin juillet 2009, 8°) le rehaussement du puisard situé actuellement devant la porte de garage du sous- sol avec les buses nécessaires pour le mettre au niveau du terrain fini et la réalisation du remblaiement de la descente du sous-sol », cependant que ce protocole ne faisait nullement état de l’existence d’inondations dans le sous-sol, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du protocole d’accord du 1er juillet 2009 en violation de l’article 1192 du code civil et du principe selon lequel il est interdit au juge de dénaturer les documents qui lui sont soumis. »
Réponse de la Cour
5. La cour d’appel a constaté qu’à la suite d’infiltrations d’eau dans le sous-sol de la construction, connues dès une réunion de chantier du 15 juin 2009, un protocole transactionnel avait été conclu le 1er juillet 2009 entre M. et Mme [C] et le constructeur.
6. Elle a retenu, hors toute dénaturation, que cet acte prévoyait la mise en oeuvre de divers travaux pour y mettre fin et que, selon l’expert judiciaire, avait notamment été entrepris, en exécution de cette transaction, le bétonnage du sol avec la mise en place d’un regard équipé d’une pompe de relevage afin d’évacuer l’eau vers un puisard.
7. Elle a, en outre, relevé que M. [C], dont l’audition avait été ordonnée par le tribunal, avait affirmé que cette pompe avait été installée pour faire face aux entrées d’eau par les drains et les murs, dont le niveau avait pu atteindre 70 cm.
8. Ayant souverainement retenu que M. et Mme [C] avaient connaissance dans toute son ampleur du désordre d’infiltrations à l’origine d’inondations du sous-sol dès la conclusion du protocole, elle a retenu, à bon droit, que, ce désordre n’ayant pas été réservé lors de la réception le 29 juillet 2009, les conditions de mise en oeuvre de la garantie décennale n’étaient pas réunies.
9. Le moyen n’est donc pas fondé.
2. Réception judiciaire
2.1 Condition d’ouvrage en état d’être reçu
Cass. 3ème civ., 16 janvier 2025, n° 23-14407
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 9 février 2023), M. [M] a confié à la société Champeau (l’entreprise), le lot étude, fabrication et fourniture de la charpente de sa maison en construction.
2. Après la pose de la charpente, M. [M] a fait état de malfaçons et de non-finitions ne lui permettant pas de faire réaliser les travaux de couverture.
3. L’entreprise a proposé de reprendre les non-finitions et défauts relevés par l’expert désigné par l’assureur de M. [M], ce que celui-ci a refusé.
4. Après expertise judiciaire, l’entreprise a assigné M. [M] pour voir prononcer la réception judiciaire de la charpente avec réserves ainsi que la résolution judiciaire du contrat d’entreprise et le voir condamner au paiement du solde des travaux.
5. M. [M] a assigné l’entreprise en résiliation du contrat à ses torts en sollicitant la dépose de la charpente à ses frais et sa condamnation à lui payer diverses sommes, notamment en réparation d’un préjudice de jouissance.
6. Les instances ont été jointes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. M. [M] fait grief à l’arrêt de prononcer la réception judiciaire des travaux de charpente à la date du 30 avril 2015 assortie de certaines réserves, et, en conséquence, de rejeter ses demandes en résolution du marché aux torts de l’entreprise et en restitution des sommes versées, tendant à la dépose de la charpente et à la réparation du préjudice de jouissance, et de le condamner à payer à la société Champeau une certaine somme au titre du solde du marché, alors « que la réception judiciaire ne peut être prononcée que si l’ouvrage est en état d’être reçu ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé que le rapport d’expertise judiciaire constatait l’existence de certains défauts au niveau de la charpente, notamment des « jours entre planche », une « absence de chevron de renfort au sommet de la charpente », des « décalages importants entre de multiples pièces de charpente », « la présence de pièces fixées à l’arbalétrier », « une poutre en lamellé collé qui ne rejoint pas la charpente » et constaté que l’expert retenait « certains désordres tels les fissures sur les entraits, l’absence de connexion entre deux fermes, des ancrages coupés, des défauts de calage » ; qu’elle a également relevé que l’expert judiciaire avait pris en compte le rapport de M. [U] et considéré « que les défauts et désordres relevés par cet expert missionné par l’assureur de M. [M], étaient avérés » ; qu’au nombre de ces défauts et désordres, considérés comme « avérés », figuraient des défauts d’alignement des éléments de charpente sur le plan vertical impliquant le non-respect de la norme NFP21-25 chapitre 4.1, des défauts d’alignement sur le plan horizontal, des défauts d’alignement au droit des fermes, des défauts d’assemblage, une mise en compression des poinçons, des ruptures des connecteurs, des absences de calage, des jours sous les éléments de la charpente, des assemblages défectueux générant des hors de niveau, un entrait coupé au droit du conduit de cheminée sur le mur refend, des éléments de charpente cassés et moisés, et un défaut d’avancement de la casquette de charpente sur la maçonnerie située en façade avant ; que l’expert mandaté par l’assureur avait à ce titre conclu que le chantier n’était pas acceptable en l’état et avait invité M. [M] à refuser le support ; que la cour d’appel a de surcroît constaté que, selon l’expert judiciaire, certains désordres affectant la « structure » ainsi que « les assemblages », avaient été réparés en cours d’expertise et existaient donc à la date de réception retenue, soit le 30 avril 2015 ; qu’il ressortait ainsi de ces constatations que la charpente était affectée, à la date de la réception choisie, de nombreuses non-façons, malfaçons et non-conformités faisant obstacle à sa réception, même avec réserves ; qu’en prononçant néanmoins la réception judiciaire de l’ouvrage, assortie de certaines réserves limitées à la réalisation de travaux de réglage et de calage, à la réalisation d’un contrôle et d’une reprise des connecteurs métalliques et à l’absence de réalisation des sous-faces des débords de toiture, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article 1792-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1792-6 du code civil :
8. En application de ce texte, la réception judiciaire est prononcée à la date à laquelle l’ouvrage est en état d’être reçu.
9. Pour prononcer la réception judiciaire, assortie de certaines réserves, des travaux de charpente à la date du 30 avril 2015 et, en conséquence, rejeter les demandes du maître de l’ouvrage de résolution du marché aux torts de l’entreprise, de restitution des sommes versées, de dépose de la charpente, de réparation d’un préjudice de jouissance et le condamner à payer à l’entreprise une certaine somme, l’arrêt constate que l’expert judiciaire indique que certains défauts ne constituent pas des désordres, que d’autres relèvent de finitions à réaliser juste avant la réception des travaux, que d’autres encore ont été traités en cours d’expertise, les désordres concernés n’existant plus, et que, s’agissant de la dégradation de la charpente due à son exposition, il résulte des analyses réalisées que le traitement préventif des bois a été délavé par les intempéries, nécessitant un nouveau traitement.
10. Il ajoute que l’expert considère que la charpente pouvait être réceptionnée avec certaines réserves en avril 2015, date à laquelle le chantier a été arrêté, ce qui aurait évité les dégradations de la charpente liées à l’exposition aux intempéries.
11. En statuant ainsi, après avoir relevé que, s’agissant du désordre affectant la structure, les barres de contreventement avaient été maintenues en place durant les opérations d’expertise et que, s’agissant des défauts concernant les assemblages, les réglages avaient également été réalisés en cours d’expertise à la suite des préconisations du sapiteur de l’expert judiciaire en charge des notes de calcul en lien avec la solidité de l’ouvrage, ce dont il résultait que la charpente, qui présentait en avril 2015 des désordres affectant sa solidité, n’était pas en état d’être reçue à cette date, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
Cass. 3ème civ., 20 mars 2025, n° 23-20475
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
10. La SCI fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir prononcer la réception judiciaire, ou subsidiairement amiable, des travaux et mis en conséquence hors de cause la société QBE Europe au titre de la garantie décennale portant sur les logements concernés, alors « que la réception judiciaire des travaux peut être prononcée dès lors que les travaux sont en état d’être reçus, ce qui, s’agissant d’immeubles d’habitation, suppose seulement que l’immeuble soit habitable ; que la cour d’appel, tenue de déterminer si tel était le cas, ne pouvait se borner à relever pour ce qui concernait les appartements situés au [Adresse 7] « l’absence majoritaire de pose ou de raccordement des sanitaires, un défaut de finition du réseau électrique intérieur, l’absence de système de chauffage » pour considérer, contre l’avis de l’expert, que les appartements n’étaient pas habitables, sans préciser en quoi les défauts relevés interdisaient d’utiliser les lieux comme habitation ; qu’elle a ainsi violé l’article 1792-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
11. La cour d’appel a constaté, au vu du rapport d’expertise judiciaire, l’absence majoritaire de pose ou de raccordement des sanitaires, un défaut de finition du réseau électrique intérieur, l’absence de système de chauffage, l’absence de certaines menuiseries/huisseries.
12. Elle a souverainement retenu que l’ampleur de ces seules malfaçons et non-façons, qui s’ajoutaient à de nombreux autres désordres relatifs à la charpente, aux menuiseries, au parquet, à la VMC et aux portes d’entrées empêchait que les appartements et la maison litigieux pussent être considérés comme habitables et, partant, en état d’être reçus.
13. Le moyen n’est donc pas fondé.
2.2 Réserves à réception judiciaire
Cass. 3ème civ., Sect., 30 janvier 2025, n° 23-13369, Bull.
ARCHITECTE ENTREPRENEUR – Réception de l’ouvrage – Réception judiciaire – Prononcé – Réserves – Possibilité – Portée
Lorsqu’elle est demandée, la réception judiciaire doit être prononcée à la date à laquelle l’ouvrage est en état d’être reçu et elle peut être assortie de réserves. Ces réserves correspondent aux désordres dont il est établi qu’ils étaient alors apparents pour le maître de l’ouvrage. Dès lors, ne donne pas de base légale à sa décision une cour d’appel qui prononce une réception sans l’assortir de réserves, au motif que le maître de l’ouvrage n’avait formulé aucune remarque ou observation à la date à laquelle l’ouvrage était en état d’être reçu ni à la date à laquelle il avait payé les travaux
ARCHITECTE ENTREPRENEUR – Réception de l’ouvrage – Réception judiciaire – Réserves – Définition – Portée
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Colmar, 21 décembre 2022, rectifié le 31 janvier 2024), la société Alfa Alsace foncier aménagement (la société Alfa) a confié à la société Entreprise Jean Lefebvre Alsace, aux droits de laquelle vient la société Eurovia Alsace Lorraine (la société Eurovia), la réalisation des lots voirie, assainissement et alimentation en eau potable d’un lotissement.
3. L’entrepreneur a établi son décompte général définitif le 26 février 2010 et le maître de l’ouvrage, après validation du maître d’oeuvre, a réglé le solde demandé le 16 mars 2010.
4. Le maître de l’ouvrage a, par la suite, assigné l’entrepreneur aux fins de remboursement d’un trop-versé.
Et sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° U 24-13.476
Enoncé du moyen
11. La société Alfa fait grief à l’arrêt du 31 janvier 2024 de dire que le dispositif de l’arrêt rendu le 2 décembre 2022 devait être complété comme suit : « Statuant à nouveau du chef de la décision infirmé : Prononce la réception judiciaire des travaux exécutés par la société Entreprise Jean Lefebvre Alsace, aux droits de laquelle vient la société Eurovia Alsace Lorraine, à la date du 9 novembre 2009 », et de rejeter ainsi sa demande tendant à voir assortir la réception de réserves, alors « qu’en ne recherchant pas si l’ouvrage, tout en étant en état d’être reçu, ne présentait pas objectivement les défauts et malfaçons allégués devant elle par la société Alfa, peu important que la société Alfa n’ait émis aucune remarque ni observation à la date à laquelle l’ouvrage était en état d’être reçu et qu’elle ait opéré le paiement du solde quelques mois plus tard sans émettre de contestations ni solliciter une réception assortie de réserves, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1792-6 du code civil. »
Vu l’article 1792-6, alinéa 1er, du code civil :
15. Aux termes de ce texte, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
16. En application de ce texte, il est jugé, d’une part, que lorsqu’elle est demandée, la réception judiciaire doit être prononcée à la date à laquelle l’ouvrage est en état d’être reçu, d’autre part, qu’elle peut être assortie de réserves.
17. Ces réserves correspondent aux désordres dont il est établi qu’ils étaient alors apparents pour le maître de l’ouvrage.
18. Pour prononcer une réception sans réserve, l’arrêt retient qu’à la date à laquelle l’ouvrage était en état d’être reçu, aucune remarque ou observation n’avait été émise par le maître de l’ouvrage, susceptible d’être qualifiée de réserve, celui-ci ayant même opéré le paiement du solde quelques mois plus tard sans émettre de contestations ni solliciter une réception assortie de réserves.
19. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure le prononcé d’une réception judiciaire assortie de réserves, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
2.3 Date d’appréciation et de prononcé
Cass. 3ème civ., 17 octobre 2024, n° 23-15006
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 24 novembre 2022), M. [R] a confié à la société Areny, assurée auprès de la société Swisslife assurances de biens, la réalisation d’un enrochement bétonné sur son terrain situé en contrebas d’une parcelle appartenant à ses voisins.
2. Les travaux ont donné lieu à l’émission d’une facture datée du 25 juillet 2007.
3. Les voisins de M. [R] se sont plaints de ce que son enrochement empiétait sur leur propriété et qu’un espace demeuré vide au-dessus de l’ouvrage créait un risque d’éboulement de leurs terres.
4. En l’absence de solution amiable, M. [R], après expertise, a assigné la société Areny en indemnisation des désordres affectant l’enrochement, laquelle a assigné son assureur en garantie.
5. Les deux procédures ont été jointes.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. [R] fait grief à l’arrêt de rejeter la demande aux fins de prononcé de la réception judiciaire de l’ouvrage ainsi que ses demandes dirigées contre les sociétés Areny et Swisslife assurances de biens sur le fondement de la garantie décennale et de limiter la condamnation de la société Areny à lui payer une certaine somme en principal, alors « qu’en l’absence de réception amiable, la réception judiciaire peut être ordonnée, avec ou sans réserves, si les travaux sont en état d’être reçus, peu important tout autre considération ; qu’en rejetant le principe même d’une réception judiciaire de l’ouvrage au motif inopérant que M. [R] avait émis après son achèvement des contestations au sujet d’une erreur d’implantation et de l’écroulement partiel de la partie supérieure du talus du fonds supérieur, la cour a violé l’article 1792-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1792-6 du code civil :
7. En application de ce texte, la réception judiciaire doit être prononcée à la date à laquelle l’ouvrage est en état d’être reçu.
8. Pour refuser de prononcer la réception judiciaire de l’ouvrage à la date du 25 juillet 2007, l’arrêt retient que les contestations formées après l’achèvement de l’ouvrage par M. [R] relatives à l’erreur d’implantation et à l’écroulement partiel de la partie supérieure du talus ne permettent pas de considérer que cet ouvrage était en état d’être reçu à cette date.
9. En statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés des contestations élevées par le maître de l’ouvrage postérieurement à son achèvement, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
3. Réception tacite
3.1 Appréciation de la volonté non équivoque et abandon de chantier
Cass. 3ème civ., 7 novembre 2024, n° 23-13283
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 25 mai 2022), la société Résidences traditionnelles les petits princes (la société RTPP) a confié la réalisation des travaux de chauffage et de plomberie à la société Thermeos, à qui la société Banque du bâtiment et des travaux publics (la banque) a délivré un engagement de caution personnelle et solidaire au titre de la retenue de garantie du marché de travaux au bénéfice du maître de l’ouvrage.
2. Par jugement du 22 avril 2015, la société Thermeos a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire par décision du 27 mai suivant.
3. La banque ayant refusé de payer le montant de la retenue de garantie, la société RTTP l’a assignée en paiement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l’arrêt de la condamner à verser à la société RTPP la somme de 34 513,29 euros et de rejeter toutes ses demandes, alors « que la retenue de garantie et la caution solidaire qui peut s’y substituer visent à garantir l’exécution des travaux de levée des réserves formulées lors de la réception de l’ouvrage ; que la retenue de garantie et la caution solidaire qui peut s’y substituer ne peuvent être mises en uvre en l’absence de réception de l’ouvrage ; que la réception tacite de l’ouvrage résulte de la volonté non-équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir l’ouvrage ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que la réception tacite peut être constatée en présence de la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir les travaux inachevés malgré l’absence de paiement du solde du prix, qu’aux termes de sa déclaration de créances du 22 juin 2015, qui s’analyse en une demande en paiement, la société RTPP avait sollicité l’inscription au passif de la société Thermeos de la somme de 69 402,35 euros HT, soit 83 282,82 euros TTC correspondant aux chiffrages des reprises listées dans le constat d’huissier établi le 27 avril 2015, « manifestant ainsi sa volonté non équivoque de recevoir les travaux inachevés avec réserves », ce dont elle a déduit que la réception tacite avec réserves devait être constatée à la date du 22 juin 2015 ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la volonté non-équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir l’ouvrage, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1er de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971, ensemble l’article 1792-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1er de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 et 1792-6 du code civil :
5. La retenue de garantie et la caution solidaire qui peut s’y substituer, prévues par le premier de ces textes, ont pour but de protéger le maître de l’ouvrage contre les risques d’inexécution ou de mauvaise exécution des travaux de levée des réserves à la réception (3e Civ., 22 septembre 2004, pourvoi n° 03-12.639, Bull. 2004, III, n° 154 ; 3e Civ., 7 décembre 2005, pourvoi n° 05-10.153, Bull. 2005, III, n° 238).
6. Il résulte du second que la réception tacite de l’ouvrage est caractérisée par la volonté non équivoque des maîtres de l’ouvrage de l’accepter.
7. Pour constater l’existence d’une réception tacite avec réserves au 22 juin 2015 et libérer la caution au profit du maître de l’ouvrage, l’arrêt relève que le constat d’huissier de justice du 27 avril 2015 faisait état d’un abandon de chantier, d’inachèvements et de non-façons et retient qu’aux termes de la déclaration de créance transmise le 22 juin 2015, qui s’analyse en une demande en paiement, la société RTPP sollicitait l’inscription au passif de la société Thermeos de la somme correspondant aux chiffrages des reprises listées dans ce constat, de sorte qu’elle avait manifesté à cette date sa volonté non équivoque de recevoir les travaux inachevés avec réserves.
8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir les travaux dans leur état d’avancement à la date de l’abandon du chantier, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
3.2 Présomption de réception tacite
Cass. 3ème civ., 21 novembre 2024, n° 23-13989
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
9. M. et Mme [N] font grief à l’arrêt de déclarer irrecevable leur action à l’encontre de la Maaf, assureur de la société AZS habitat, alors « qu’à défaut de réception expresse et contradictoire, l’existence d’une réception tacite peut être admise à la condition que soit établie la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir les travaux, celle-ci ne résultant pas nécessairement du paiement des factures ; qu’en l’espèce, en déduisant l’existence d’une réception tacite au mois de décembre 2003 du paiement du solde des travaux à cette date, quand cette circonstance était insusceptible, à elle seule, de caractériser une réception univoque de la part des maîtres de l’ouvrage, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2224 du code civil, ensemble l’article 1792-6 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1792-6 du code civil :
10. Il résulte de ce texte que la réception tacite de l’ouvrage est caractérisée par la volonté non équivoque des maîtres de l’ouvrage de l’accepter. Cette volonté n’est présumée qu’en cas de prise de possession de l’ouvrage jointe au paiement intégral du prix des travaux.
11. Pour déclarer irrecevable la demande d’indemnisation contre l’assureur de responsabilité décennale de la société AZS habitat, l’arrêt relève qu’aucune partie ne conteste que la date du 8 décembre 2003 correspondait à l’exécution effective des travaux de dallage et à leur paiement intégral, de sorte que la prise de possession de l’ouvrage, conjuguée au paiement du solde du prix, établissent l’univocité de la réception tacite intervenue sans réserve en décembre 2003.
12. Puis, constatant que l’ordonnance étendant les opérations d’expertise à la Maaf et son assurée était intervenue le 20 juin 2014, il en conclut que la demande d’indemnisation de M. et Mme [N] était déjà prescrite avant leur mise en cause.
13. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser la volonté non équivoque des maîtres de l’ouvrage de recevoir en décembre 2003 les travaux de dallage, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Cass. 3ème civ., 20 mars 2025, n° 23-20475
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
14. La SCI fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir prononcer la réception judiciaire, ou subsidiairement amiable, des travaux et mis en conséquence hors de cause la société QBE Europe au titre de la garantie décennale portant sur les logements concernés, alors « que la prise de possession de l’ouvrage et le paiement des travaux font présumer la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de le recevoir avec ou sans réserves ; que dès lors, la cour d’appel ne pouvait comme elle l’a fait, se borner à énoncer que la preuve de la volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage n’était pas rapportée, sans s’expliquer sur la prise de possession de l’ouvrage et le paiement des travaux qui étaient invoqués ; qu’elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l’article 1792-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1792-6 du code civil :
15. Il est jugé, en application de ce texte, que le paiement de l’intégralité des travaux et la prise de possession par le maître de l’ouvrage valent présomption de réception tacite, laquelle n’est pas subordonnée à l’achèvement de l’ouvrage, mais peut être assortie de réserves.
16. Pour écarter l’existence d’une réception tacite des ouvrages, l’arrêt énonce qu’une telle réception est conditionnée par l’existence d’une volonté non équivoque de la part du maître de l’ouvrage de recevoir l’ouvrage et retient qu’une telle preuve n’est pas rapportée en l’espèce.
17. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la prise de possession des ouvrages et le paiement du montant des travaux réalisés ne laissaient pas présumer la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir celui-ci en l’état, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
3.3 Condition de la réception tacite : notion de volonté non équivoque
Cass. 3ème civ., 7 novembre 2024, n° 22-22793
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Saint-Denis, 9 septembre 2022, rectifié par arrêt du 12 mai 2023), par acte du 6 novembre 2013, la société Liane de feu (le vendeur), désormais en liquidation judiciaire, a vendu une maison d’habitation en l’état futur d’achèvement à M. [K] et Mme [S] (les acquéreurs).
3. Le vendeur a souscrit un contrat d’assurance dommages-ouvrage et un contrat d’assurance de responsabilité décennale auprès de la société ANV Managing Agency Ltd, devenue Amtrust Syndicates Ltd, aux droits de laquelle vient la société Lloyd’s Insurance Company.
4. La maîtrise d’oeuvre a été confiée à M. [W], désormais en liquidation judiciaire, assuré auprès de la société Axa France IARD (la société Axa) puis de la société de droit danois Alpha Insurance.
5. Les lots gros oeuvre, charpente et couverture ont été confiés à la société Max service construction Océan indien (la société MSCOI), désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Alpha Insurance.
6. M. [H] a concouru aux travaux d’édification d’un mur de soutènement.
7. Aucune réception expresse n’est intervenue entre le vendeur et les constructeurs.
8. La maison a été livrée aux acquéreurs le 1er novembre 2014 et donnée à bail.
9. Ensuite de l’apparition de désordres, les acquéreurs ont assigné le vendeur, la société Amtrust Syndicates Ltd, la société Axa et M. [H] en indemnisation de leurs préjudices. M. [W], M. [M], pris en sa qualité de liquidateur de la société Alpha Insurance, déclarée en faillite selon la loi danoise, et la société [T], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MSCOI et de M. [W], ont été appelés en intervention forcée.
Sur le premier moyen du pourvoi principal n° E 22-22.793 de la société Axa et sur le premier moyen du pourvoi incident n° E 22-22.793 de la société Alpha Insurance, rédigés en termes similaires, réunis
Enoncé des moyens
11. Par son premier moyen, la société Axa fait grief à l’arrêt du 9 septembre 2022 de retenir la réception tacite de l’ouvrage à la date du 1er novembre 2014, de la condamner, comme assureur de M. [W], in solidum avec la société Lloyd’s Insurance Company, assureur du vendeur, à payer la somme de 254 000 euros aux acquéreurs au titre de la reprise des désordres affectant la villa, à indemniser les préjudices immatériels de ces derniers au titre de la reprise des désordres affectant la villa, de fixer le préjudice de jouissance des propriétaires à la somme de 34 950,00 euros, et à hauteur de 950 euros par mois, de la condamner in solidum avec M. [H], M. [W], la société Lloyd’s Insurance Company à payer la somme de 102 000 euros aux acquéreurs, en qualité de propriétaires du mur de soutènement sur la largeur de leur parcelle, de fixer la perte de jouissance des propriétaires de la villa, à la somme de 950,00 euros, à partir du mois de novembre 2016 et jusqu’au versement aux propriétaires des sommes allouées pour réaliser la reprise des désordres et la remise en état de la villa afin de la rendre compatible avec la conclusion d’un bail dans des conditions décentes, de la condamner, in solidum avec M. [W], la société Lloyd’s Insurance Company, la société de droit danois Alpha Insurance représentée par son liquidateur M. [M], assureur de la société MSCOI, à payer aux acquéreurs, la somme mensuelle de 950,00 euros, à partir du mois de novembre 2016 et jusqu’au versement aux propriétaires des sommes allouées pour réaliser la reprise des désordres et la remise en état de la villa afin de la rendre compatible avec la conclusion d’un bail dans des conditions décentes et de la condamner, in solidum avec M. [W], la société Lloyd’s Insurance Company, assureur du vendeur, la société de droit danois Alpha Insurance représentée par son liquidateur M. [M], assureur de la société MSCOI, à payer aux acquéreurs la somme de 4 000 euros chacun à au titre de leur préjudice moral, alors « que la réception de l’ouvrage s’apprécie en la personne du maître de l’ouvrage, i.e le vendeur en l’état futur d’achèvement ; qu’en se fondant sur la prise de possession et la livraison aux acquéreurs de l’ouvrage non achevé, sur l’établissement d’une attestation d’achèvement du maître d’uvre, sur une lettre du notaire confirmant la réception des acquéreurs, sur un contrat de bail entre les acquéreurs et un tiers et sur l’habitabilité de la maison à la date de la livraison aux acquéreurs, la cour d’appel n’a pas caractérisé la manifestation de volonté non équivoque du maître de l’ouvrage, la SCCV Liane de feu, vendeur en l’état futur d’achèvement, de recevoir l’ouvrage et privé sa décision de base légale au regard de l’article 1792-6 du code civil. »
12. Par son premier moyen, la société Alpha Insurance, représentée par son liquidateur, M. [M], agissant comme assureur de la société MSCOI, fait grief à l’arrêt de retenir une réception tacite de l’ouvrage au début novembre 2014 et, en conséquence, de prononcer diverses condamnations in solidum à l’encontre des intervenants à la construction, notamment de l’entreprise de gros uvre, et de leurs assureurs, aux fins d’indemniser les acquéreurs de leurs divers préjudices, alors « que la réception de l’ouvrage s’apprécie en la personne du maître de l’ouvrage ; qu’en l’espèce, pour retenir une réception tacite par le maître de l’ouvrage, en l’occurrence le vendeur en état futur d’achèvement, l’arrêt attaqué s’est fondé sur la livraison de l’ouvrage « aux acquéreurs », l’établissement par le maître d’uvre d’une « attestation d’achèvement des travaux », une « lettre du notaire ( ) confirmant la réception tacite », un « contrat de bail » conclu entre les acquéreurs et un tiers ainsi que le caractère « habitable » de l’ouvrage à sa date de livraison ; qu’en statuant par de tels motifs ne caractérisent pas la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir les travaux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1792-6 du code civil. »
Réponse de la Cour
13. Ayant relevé que le maître de l’ouvrage-vendeur avait livré, dès sa prise de possession, le 1er novembre 2024, le bien immobilier aux acquéreurs, que ceux-ci l’avaient donné le jour même à bail, qu’il avait établi une attestation d’achèvement des travaux et installé, à ses frais, un groupe électrogène destiné à assurer l’alimentation en électricité de la villa, la cour d’appel, qui en a souverainement déduit, sans apprécier les conditions de la réception en la personne des acquéreurs, que la société Liane de feu, maître de l’ouvrage et vendeur, avait clairement voulu prendre possession et accepter, sans équivoque, l’ouvrage, a pu retenir une réception tacite à cette date.
14. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.
3.4 Incidence du marché sur la notion de refus de réception
Cass. 3ème civ., 6 mars 2025, n° 23-19170
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 30 mai 2023), la société civile de construction vente L’Amaryllis (la SCCV) a confié à la société Immobilière Savoie Léman (la société ISL) la maîtrise d’oeuvre de la construction d’un ensemble d’immeubles comprenant onze villas et huit logements collectifs.
2. Le maître de l’ouvrage a attribué le lot chauffage sanitaire (lot n°19), à la société Savoie chauffage sanitaire (la société SCS).
3. Une réunion de réception a été organisée le 10 octobre 2018.
4. Le 7 décembre 2018, la société SCS a adressé à la SCCV un mémoire définitif incluant une certaine somme au titre des surcoûts résultant de la prolongation du chantier.
5. Après avoir fait valoir son désaccord par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, reçue le 9 janvier 2019, la SCCV a établi, le 16 décembre 2019, un décompte définitif faisant apparaître que la société SCS était débitrice à son égard.
6. La SCCV et la société ISL ont assigné la société SCS aux fins de voir juger que la première n’était débitrice d’aucune somme à son égard et de la voir condamner à leur payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts.
7. La société SCS a reconventionnellement demandé le paiement de la somme mentionnée dans son mémoire définitif.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
8. La SCCV et la société ISL font grief à l’arrêt de condamner la première à payer à la société SCS une certaine somme au titre du marché et de rejeter leur demande en paiement à ce titre, alors « que l’article 2.13.1 du cahier des clauses administratives particulières conclu entre les parties prévoyait que l’absence de notification d’un procès-verbal de réception constituait un refus de réception ; qu’en retenant, pour juger que la date de réception du lot n°19 confié à la société SCS était le 10 octobre 2018, que l’article 2.13.1, qui précisait la norme Afnor, n’avait pas lieu de s’appliquer en l’espèce puisqu’ « il n’y a[vait] pas eu de refus de réception », quand le refus de réception résultait selon ce texte de l’absence de notification d’un procès-verbal de réception, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
9. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
10. Pour condamner la SCCV à payer une certaine somme à la société SCS et rejeter sa demande en paiement, l’arrêt retient que la disposition du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) qui, complétant et précisant la norme AFNOR applicable au contrat, prévoit que « L’absence de notification d’un procès-verbal de réception constitue refus de réception » n’a pas lieu de s’appliquer puisqu’il n’y a pas eu refus de réception.
11. En statuant ainsi, après avoir constaté que le CCAP, applicable au marché, disposait que « l’absence de notification d’un procès-verbal de réception constitue refus de réception » et relevé que les demandes adressées par la société SCS à la SCCV aux fins de notification du procès-verbal de réception étaient restées sans suite, ce dont il résultait, par application du CCAP, un refus de réception, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.
3.5 Volonté non équivoque et mandat de vente de l’ouvrage édifié
Cass. 3ème civ., 13 février 2025, n° 23-17425
Faits et procédure
2. Selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 6 avril 2023), [R] [I] et Mme [I] ont confié les travaux de gros-uvre, charpente et couverture de leur maison d’habitation à M. [N], assuré auprès de la société Azur.
3. Le 30 mars 2007, [R] [I] et Mme [I] (les vendeurs) ont vendu la parcelle sur laquelle se trouvait le bâtiment toujours en cours de construction à M. et Mme [X] et à M. [E] (les acquéreurs).
4. Le 16 septembre 2016, se plaignant de désordres, les acquéreurs ont assigné en référé-expertise les vendeurs et M. [N], et ce dernier a appelé en expertise commune, son assureur, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA), venant aux droits de la société Azur assurances IARD.
5. Les acquéreurs ont, ensuite, assigné ces mêmes parties en indemnisation sur le fondement de la garantie décennale. Les sociétés MMA ont opposé à leurs demandes la forclusion de dix ans à compter de la réception tacite de l’ouvrage.
Réponse de la Cour
7. La cour d’appel a relevé que les vendeurs avaient donné à un agent immobilier mandat de vendre l’immeuble le 8 août 2006, faisant ainsi ressortir qu’au plus tard à cette date, ils avaient accepté l’ouvrage en l’état où il se trouvait pour le revendre.
8. Elle a pu déduire de ce seul motif, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les neuf dernières branches, que les maîtres de l’ouvrage avaient ainsi manifesté le 8 août 2006 leur volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage, de sorte que, la réception tacite devant être fixée à cette date, l’action des acquéreurs était forclose.
9. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.