Couverture des dommages aux existants par les polices d’assurance obligatoire

La Cour de cassation conforte la lecture légaliste donc restrictive limitant l’application des polices d’assurances obligatoires de construction (DO et RCD) aux conditions énoncées par l’article L. 243-1-1, II du Code des assurances.

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Cass. 3ème civ., 30 mai 2024, n° 22-20711, Bull.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Axa fait grief à l’arrêt de la condamner, in solidum avec la société Delarue couverture, à payer à M. Thierry Nerrembourg et Sylvie Nerrembourg la somme de 60 797,54 euros TTC et à garantir la société Delarue couverture de cette condamnation, alors « que les obligations d’assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 du code des assurances ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles ; qu’en l’espèce, la cour a retenu que la société Axa France IARD devait garantir les désordres causés à la charpente existante par les travaux de couverture ayant consisté à la pose de tuiles parce que la couverture installée sur la charpente formait avec elle un tout indivisible pour constituer la toiture ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l’ouvrage existant s’est trouvé totalement incorporé dans l’ouvrage neuf et en était devenu techniquement indivisible, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 243-1-1 II du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l’article L. 243-1-1, II, du code des assurances :

7. Selon ce texte, les obligations d’assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 du code des assurances ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier, à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles.

8. Il en résulte que l’assurance obligatoire ne garantit les dommages à l’ouvrage existant provoqués par la construction d’un ouvrage neuf que dans le cas d’une indivisibilité technique des deux ouvrages et si celle-ci procède de l’incorporation totale de l’existant dans le neuf.

9. Les deux conditions sont, ainsi, cumulatives et les dommages subis par l’ouvrage existant ne sont pas garantis lorsque c’est l’ouvrage neuf qui vient s’y incorporer.

10. Pour condamner la société Axa à indemniser M. Thierry Nerrembourg et Sylvie Nerrembourg des dommages affectant tant les ouvrages neufs qu’anciens, l’arrêt relève que, selon l’expert judiciaire, la solidité de la charpente préexistante aux travaux de la société Delarue couverture est gravement affectée en raison d’une résistance insuffisante ne lui permettant pas de supporter la différence de charge provenant des nouvelles tuiles.

11. Il retient qu’il est constant que la société Delarue couverture a réalisé un ouvrage et que les désordres affectant la toiture portent atteinte à sa solidité et rendent l’immeuble impropre à sa destination, sans que leur cause réside dans la charpente préexistante.

12. Il ajoute que la couverture installée sur la charpente forme avec elle un tout indivisible pour constituer la toiture, de sorte que la garantie décennale doit s’appliquer, sans que puissent être opposées les dispositions de l’article L. 243-1-1, II, du code des assurances.

13. En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi l’ouvrage existant s’incorporait totalement dans l’ouvrage neuf, ni en quoi ils étaient techniquement indivisibles, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

14. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l’arrêt condamnant la société Axa à garantir les dommages matériels entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant cet assureur à garantir le préjudice de jouissance, qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire. En effet, cette condamnation est motivée par l’existence d’une garantie d’assurance facultative couvrant les dommages immatériels consécutifs à des dommages décennaux garantis.

15. La cassation n’atteint pas, en revanche, les condamnations prononcées in solidum contre la société Delarue couverture.

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